Groupe International Interculturel Interconvictionnel

I
Depuis plusieurs années le Conseil de l’Europe s’intéresse à la Religion. Il publie ainsi des rapports Parlementaires sur les contributions Juives1 et Musulmane2 à la culture européenne, par exemple,  des rapports sur des aspects du dialogue parmi les religions, sur l’éducation à la religion, sur l’enseignement du fait religieux ou même des faits religieux3. L’Assemblée Parlementaire s’est intéressée au créationnisme4 et plus récemment à la dimension religieuse du dialogue interculturel5 en reprenant un chapitre du Livre Blanc sur le Dialogue Interculturel. Ce travail souligne les valeurs universelles des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit en se référant aux tensions et aux désaccords notamment avec la religion qui en est un aspect identifiable.

Certains courants religieux sont déjà présents auprès des Institutions Européennes. Comme résultat de l’histoire européenne, la représentation du Saint Siège est reconnue6, tandis que plusieurs traditions Orthodoxes "sont représentées, avec des bureaux à Bruxelles et un "représentant" à Strasbourg. La Conférence des Eglises Européennes et l’Union Bouddhiste européenne sont membres de la Conférence des OING dotées du statut participatif au Conseil de l’Europe. L’Etat d’Israël est un état Observateur au Conseil de l’Europe (comme les Etats Unis, le Canada, le Mexique et le Japon). En plus, la Conférence des OING compte des OING d’inspiration religieuse et non religieuse parmi ses 400 membres. Elles représentent la société civile, des convictions et les valeurs humaines, voir par exemple la Fédération Humaniste Européenne et des organisations humanitaires nombreuses.

Le G3i est un groupe de travail interculturel, l’international et l’interconvictionnel. Il s’ensuit que le G3i rassemble des personnes de différentes convictions, religieuses, non-croyantes et athées, dont des représentants de certaines OING avec statut participatif auprès du Conseil de l’Europe. Le G3i est une association (loi 1901). En collaboration avec la Conférence des OING le G3i organisa le 24 janvier 2012 le colloque « Devenir citoyens et citoyennes d’une Europe plurielle : Espaces et pratiques interconvictionnelles ». Il s’est tenu au Conseil de l’Europe avec l’encouragement et le soutien (matériel) de Madame Gabrielle Battaini Dragoni, Directrice des Programmes au Conseil de l’Europe. Dans son discours d’introduction, elle attira notre attention sur l’intolérance, la discrimination et la marginalisation des minorités en Europe, en mentionnant la pertinence du colloque et de notre travail.

Le colloque s’est intéressé au processus démocratique, à la présence des citoyens et à leur contribution au débat politique ainsi qu’à leur droit d’être entendus par ceux qui prennent des décisions aux niveaux gouvernemental et européen. Bernard Quelquejeu attira l’attention des participants souhaitant participer au débat politique, sur les articles des traités de Lisbonne, par exemple l’Article 17 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : "L'article 17 écrit que « L'Union respecte et ne préjuge pas du statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Églises et les associations et communautés religieuses dans les Etats membres » (§ 1), et "... respecte également le statut dont bénéficient, en vertu du droit, les organisations philosophiques et non confessionnelles" (§2), avec lesquelles "/ 'Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier".

Il ajouta "Très vite, au cours de nos échanges, nous avons compris que l'expression 'dialogue interreligieux' ne nous convenait pas, puisqu'il excluait celles et ceux d'entre nous qui ne se reconnaissent pas comme appartenant ou référés à une religion instituée : nous avons commencé à parler de nos convictions respectives, de groupes de conviction, et à nous comprendre comme pratiquant un 'dialogue interconvictionnel'".

III
Quant à l’éducation, elle doit être libératrice, car personne n’est un ilot entier et absolu (en paraphrasant le poète anglais Jean Donne). Il faut toujours s’interroger à propos des présupposés de l’enfance. Le rôle de l’école, qui est un lieu de rencontre, est fondamental. On ne promeut aucune foi ou religion. On propose une éducation aux idées et aux perceptions de l’autre. On encourage le dialogue et les questions qui facilitent la connaissance. A la fois on n’écarte pas la conviction parce que, bien présentée, elle est une ressource sous condition qu’on facilite la connaissance de la pluralité. 

La journée comme toutes les activités des 3Gi promeut tacitement les valeurs européennes, en particulier celles du Conseil de l’Europe au-delà de la déclaration simple des trois piliers, en facilitant la connaissance mutuelle, le développement par chacun de ses idées propres et des idées adoptées en débat, dont la base est l’intégrité personnelle. L’interconvictionnel, avec son dialogue associé, valorise les convictions de l’autre dans un contexte dont les principes dépendent d’une laïcité qui garantit un espace neutre pour les convictions personnelles et la pratique qui s’ensuit, toujours compte tenu d’un contexte religieux désinstitutionnalisé.

On s’appuie donc sur le rapport Brasseur, qui concerne la dimension religieuse, une expression empruntée au Livre Blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel. En plus l’envergure de la dimension est importante, car la religion n’est pas que les croyances. On appartient au groupe religieux, on assiste aux Cultes et aux offices, mais la conviction n’est pas le monopole des religions, et les personnes de solidarité et de conviction représentent les différents niveaux de la société internationale européenne. 
En somme, lors de son intervention de clôture Philippe Lazar dit :
Les orateurs intervenus sur la façon dont l’Union Européenne traite de ces questions témoignent de son ouverture formelle sur la nécessité de les aborder mais aussi de son extrême prudence, c’est le moins qu’on puisse dire, quant à la façon de le faire. Peut-être craint-elle d’ouvrir la boîte de Pandore en allant trop loin, conscients que sont ses acteurs les plus éclairés des risques de débordement par des institutions religieuses traditionnelles qui, inquiètes de la décroissance de leur « représentativité » effective, pourraient être de plus en plus tentées d’agir en groupes de pression pas vraiment respectueux de la diversité convictionnelle du continent ? On en a eu naguère quelques frappantes illustrations lors de la tentative d’adoption, en 2005, d’une Constitution européenne. Mais on peut aussi avoir une attitude nettement plus critique à l’égard de l’Union : David Pollock nous en a exposé les raisons de façon fort convaincante !

Les actes seront édités vers la fin de l’année 2013.


II
Le terme ‘interconvictionnel’ est un néologisme qu’on ne trouve pas dans les dictionnaires. Ignace Berten, qui intervenait sur les traités de Lisbonne dit à propos de l’article 17: "Il a pour objectif de mettre en dialogue les Églises, les religions et les associations philosophiques séculières, comme la franc-maçonnerie, afin qu’elles contribuent au sens du projet européen." Donc l’idéal, c’est l’inclusion de chaque citoyen(ne), quelle que soit sa conviction, et toujours au-delà des systèmes et des organisations, qu’ils soient religieux, agnostiques ou athées. On présume l’égalité de tout citoyen et de tout groupe de conviction.

Les intervenants se sont intéressés aux modalités du dialogue avec les religions ainsi qu’avec les traditions philosophiques ou convictionnelles au niveau européen. Les responsables des religions participent aux "sommets annuels"7 avec la Commission. En général il y a une rencontre avec les ministres d’un état membre lorsqu’il accède à la Présidence,8 tandis que les communautés d’inspiration convictionnelle non religieuse affirment qu’elles n’ont pas les mêmes opportunités de se faire entendre, malgré la formulation des articles des traités. David Pollock s’interroge sur les opportunités de dialogue avec les organisations de conviction non religieuse. En plus, on s’interroge sur la nature démocratique de la représentation effectuée par les responsables des religions, compte tenu de la manière de nommer les évêques (non élus) ou même des traditions non hiérarchiques dont l’identification des responsables n’est pas évidente.

En somme, les interventions du colloque ont parlé des aspects conceptuels, des deux traités, de la pratique éducative interconvictionnelle, des problèmes rencontrés par les humanistes, du Code de bonne pratique des OING et de l’interaction des instances européennes avec les associations d’inspiration convictionnelle et interconvictionnelle.

Il est à noter que le mot "conviction" n’apparaît pas dans les traités. On doit comparer le traité d’Amsterdam (1992) avec sa déclaration n° 11 qui spécifie que l’Union respecte le statut dont jouissent les églises, les religions et les organisations philosophiques non confessionnelles et l’unification des traités suite au Conseil européen de Laecken (2001), qui avait pour but une nouvelle convention pour unifier les traités et le développement démocratique de l’Union européenne. Pour les organisations d’inspiration convictionnelle, l’article 47 stipule que "Les institutions entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile" toujours en modifiant l’article 52 du Traité d’Amsterdam "Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations".

"Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations".

On doit reprendre le débat en proposant un processus interconvictionnel qui incorpore au dialogue tous les citoyens européens quelles que soient leurs convictions personnelles mais en présupposant des convictions susceptibles de développement, en articulant les convictions et les croyances aux traditions démocratiques, spirituelles, philosophiques ou religieuses. La nouvelle Europe pourrait faciliter le processus, mais les organisations et les institutions qui se sont déjà implantées ont toujours un rôle. Il n’y a personne qui ne soit pas influencé par l’ambiance sociétale et historique. Les convictions sont plus susceptibles de développement et d’évolution que les certitudes, et l'interconvictionnel est plus inclusif que l’interreligieux.9
Résumé du colloque du 24 janvier 2012

Devenir Citoyens et citoyennes d’une Europe plurielle
Espaces et pratiques interconvictionnelle
1. Pour le rapport sur la contribution juive cliquez ici
2. Recommendation 1162 on the contribution of Islamic civilisation to                European culture (1991). §§ 2-4. cliquez ici
3. Voir le rapport Schneider «Education et Religion» (2005) cliquez ici
4.Doc. 11375 17 September 2007 The dangers of creationism in education Mme Anne Brasseur, Luxembourg, ALDE cliquez ici
5. Doc 12553 25 mars 2011 La dimension religieuse du dialogue inter- culturel Rapport Commission de la culture, de la science et de l’éducation Rapporteur: Mme. Anne Brasseur, Luxembourg, ALDE. cliquez ici
6. Au Conseil de l’Europe le Saint Siège est représenté par un Observateur permanent. La représentation à Bruxelles est assurée par un Nonce.
7.Voir le site web de la COMECE  La COMECE et la CEC travaillent en- semble et des représentants des églises membres de la CEC participent aux sommets annuels.
8. Voir par exemple dans le site de la COMECE cliquez ici
9Ce dernier exclut les convictions dont l’inspiration n’est pas religieuse, donc il n’incorpore pas à ses activités tous les citoyens de l’Europe.